La Directive sur la distribution d’assurances (DDA)

La Directive sur la distribution d'assurances réglemente la manière dont les produits d'assurance sont conçus et distribués dans l'Union européenne.

Principales caractéristiques de la DDA

Champ d’application large : la DDA couvre la distribution des produits non-vie, vie, et de réassurance, mais aussi les produits d'investissement fondés sur l'assurance (IBIPs). Elle s'applique aux distributeurs de produits d'assurance, c’est-à-dire aux intermédiaires d'assurance, aux entreprises d'assurance et aux intermédiaires d'assurance à titre accessoire (avec des exemptions). La DDA s'applique expressément à certaines activités exercées par les sites de comparaison des prix.

Gouvernance et surveillance des produits (POG) : la DDA introduit des exigences en matière de POG pour les entreprises et les intermédiaires d’assurance qui conçoivent des produits d'assurance. Elle comprend également des exigences pour les distributeurs d’assurances qui proposent des produits qu'ils ne conçoivent pas. Les exigences POG ne s'appliquent pas aux produits d'assurance qui consistent à assurer les grands risques.

Exigences d’information : les distributeurs d'assurances devront agir de manière honnête, impartiale et professionnelle, et ce, au mieux des intérêts de leurs clients. Ils ne peuvent prendre en particulier aucune disposition sous forme de rémunération, d’objectifs de vente ou autre qui pourrait les encourager à recommander un produit d’assurance particulier à un client alors qu'ils pourraient proposer un autre produit d’assurance qui correspondrait mieux aux besoins du client.

Avant la conclusion d'un contrat, les consommateurs recevront des informations claires sur le statut professionnel de la personne qui vend le produit d'assurance et sur la nature de la rémunération qu'elle recevra. Ceci ne s'applique ni aux grands risques ni aux activités de distribution de réassurances.

La DDA introduit un document d'information sur le produit d’assurance (IPID) standardisé et détaillé pour tous les produits d'assurance non-vie, qui doit être fourni par le distributeur d’assurances au client avant la conclusion du contrat. Le concepteur du produit d’assurance non-vie est tenu d’élaborer l’IPID.

Règles sur la vente croisée : la DDA introduit de nouvelles règles sur la vente croisée : lorsqu'un produit d'assurance est un produit accessoire à un bien ou à un service, le client doit avoir la possibilité d'acheter le bien ou le service séparément (interdiction de la vente liée). Elle prévoit que lorsqu'un produit d'assurance est le produit principal, vendu avec un produit ou un service accessoire qui n'est pas une assurance, le distributeur indique au client s'il est possible d'acheter séparément les diverses composantes.

Activités transfrontalières : des précisions sont apportées dans la DDA sur la répartition des compétences entre les Etats membres d'origine et d'accueil. De manière générale, lorsqu'un intermédiaire exerce ses activités en LPS, il incombe à son Etat membre d'origine de veiller au respect par l'intermédiaire de toutes les obligations de la DDA. Lorsqu'un intermédiaire opère en LE, il incombe à l'Etat membre d'accueil de veiller au respect par l'intermédiaire des exigences de la DDA en matière d'information et de règles de conduite. Son Etat membre d'origine est responsable du respect des autres obligations.

Développement professionnel continu : la DDA prévoit que les Etats membres mettent en place des mécanismes visant à évaluer les connaissances et les aptitudes des intermédiaires, des employés des intermédiaires et des entreprises d'assurance, fondés sur au moins 15 heures de développement professionnel continu par an (enseignement en ligne, tutorat, etc.).

Régime IBIPs : La DDA comprend un chapitre spécifique avec des obligations supplémentaires pour les IBIPs distribués par les entreprises et les intermédiaires d'assurance.

Règlement délégué de la DDA

Habilitée par la DDA, la Commission a adopté en 2017 deux Règlements délégués qui précisent les dispositions de la DDA relatives à la gouvernance et à la surveillance des produits (POG) ainsi qu'aux conflits d'intérêts, aux incitations, à l'évaluation de l'adéquation et du caractère approprié, et aux informations des clients pour les produits IBIPs. Elle a par ailleurs adopté une norme technique d'exécution (NTE) concernant le format normalisé du document d'information sur le produit d’assurance (IPID) et une norme technique de réglementation (NTR) révisant les montants minimaux de l'assurance de responsabilité civile professionnelle/de la capacité financière.

En mai 2022, EIOPA a informé le BIPAR qu'elle avait commencé à travailler sur la révision de ces montants de base minimaux de l’assurance RC professionnelle que les intermédiaires d'assurance et de réassurance sont censés détenir en vertu de l'article 10(4) de la DDA. En vertu de l'article 10(7) de la DDA, EIOPA doit revoir ces montants tous les 5 ans. La prochaine révision est prévue pour la fin de cette année, suivie d'un projet de NTR d'EIOPA qui sera proposé à la Commission en juin de l'année prochaine.

Application et révision de la DDA

Conformément à la DDA, la Commission européenne devait réexaminer la Directive avant le 23 février 2021. Dans ce contexte, elle devait publier un rapport sur l'application de l'article 1 de la DDA et une enquête générale sur l'application pratique des règles de la DDA en tenant dûment compte de l'évolution des marchés des produits d'investissement de détail. En raison de l'adoption tardive de la DDA puis de la crise du COVID-19, ces rapports ont été reportés.

En vertu de la DDA, EIOPA devait également préparer un rapport pour évaluer l'application de la DDA avant la fin 2020. EIOPA a reporté la publication de ce rapport au premier trimestre 2022, principalement en raison du retard de la date de transposition et d'application de la DDA et de l'impact de la pandémie du COVID-19.

Qu’est-ce qui a changé à cause de l'UMC et du projet de protection des investisseurs de détail ?

A l’été 2021, la Commission européenne a lancé une consultation publique pour alimenter un grand projet sur la protection des investisseurs de détail, comme annoncé dans le Plan d'action sur l'UMC. Cette initiative comportera des éléments qui sont déjà abordés par le chapitre de la DDA sur les IBIPs, notamment en matière de transparence, de conseils et d'incitations. Dans ce contexte, la Commission a demandé aux AES de lui fournir des avis techniques pour le 30 avril 2022 sur certains aspects relatifs à la protection des investisseurs de détail (exemple : fourniture d’informations/transparence via le numérique, ouverture des chaînes de valeur, conflits d'intérêts dans le processus de vente, impact de la complexité sur le marché des produits d'investissement de détail).

Etant donné que la Commission actuelle (von der Leyen, mandat 2019-2024) a l'intention de se concentrer sur sa stratégie pour les investissements de détail et les produits d'investissement de détail, cela signifie en principe pour la révision de la DDA, que cette Commission envisage de se focaliser (uniquement) sur les IBIPs (chapitre VI de la DDA). Par conséquent, la révision de la DDA (dans son entièreté) a été reportée à une date indéterminée (peut-être sous la prochaine Commission 2024-2029), la Commission expliquant qu'il ne lui est pas possible de mener des processus parallèles pour apporter des changements sectoriels tout en adoptant une approche holistique.

La Commission doit encore publier son rapport sur l'application de l'article 1 de la DDA et une enquête générale sur l'application pratique des règles de la DDA. La date de publication de ces rapports n'est pas encore connue.

Rapport d’EIOPA sur l’application de la DDA

Début 2022, EIOPA a publié son rapport sur l'application de la DDA. Ce rapport fournira une base factuelle pour la révision future de la DDA. Une analyse pays par pays complète ce rapport. Le rapport examine, entre autres, les changements dans la structure du marché des intermédiaires d'assurance et l'impact du nouveau cadre réglementaire (avec un accent important sur la qualité des méthodes de vente et des conseils, sur le numérique, et sur le cadre de surveillance).

Voici quelques conclusions intéressantes du rapport d'EIOPA :

  • Nonobstant les limitations en termes de preuves et d'expérience concernant l'impact de la DDA sur la qualité des conseils et des méthodes de vente, la DDA a généralement eu un impact positif sur la façon dont l'assurance est distribuée aux consommateurs. Néanmoins, EIOPA a identifié certaines difficultés dans l'application de l’évaluation des exigences et des besoins et continue de faire part de ses préoccupations concernant la vente de produits d'assurance vie en unités de compte, de produits de protection de crédit hypothécaire et de crédit à la consommation.
  • De l'avis d'EIOPA, toutes les ANC ne disposent pas d’outils suffisants pour exercer une surveillance efficace des règles de conduite. Certaines ANC ne disposent pas de pouvoirs intermédiaires entre les mesures correctives adéquates et les pouvoirs d'intervention sur les produits. Plusieurs ANC souhaiteraient mener des enquêtes anonymes ("mystery shopping") mais ne sont pas habilitées à le faire.
  • Selon EIOPA, il est nécessaire de fournir des orientations supplémentaires, notamment sur quand donner les informations contractuelles (numériques) aux consommateurs et sur la manière dont l'obligation d'informer les clients sur les coûts et les frais liés à la distribution des IBIPs doit être mise en œuvre par les entreprises d'assurance et les intermédiaires d'assurance.

EIOPA prévoit de publier un nouveau rapport sur l'application de la DDA à la fin de l'année 2023, qui sera pris en compte par la Commission dans la préparation de sa future révision de cette Directive.

Avis d’EIOPA concernant la protection des investisseurs de détail

Dans le cadre de la préparation de la stratégie pour les investissements de détail et des propositions législatives mettant en œuvre certains des aspects de cette stratégie, la Commission a demandé à EIOPA un avis technique sur certains aspects relatifs à la protection des investisseurs de détail (ventes d'IBIPs DDA).  Fin avril 2022, EIOPA a publié son avis technique.

Les principales conclusions d'EIOPA dans les domaines que la Commission lui a demandé d'aborder dans son appel à avis sont les suivantes :

  1. Améliorer l'engagement/l’intérêt des consommateurs à l'égard des informations fournies, y compris les informations numériques - EIOPA estime qu'il est possible de réduire de manière significative la duplication des informations à fournir dans le cadre réglementaire existant. Pour combler les lacunes existantes au niveau européen concernant les informations périodiques à fournir sur les IBIPs, EIOPA recommande l’introduction d’une "déclaration annuelle" à communiquer aux preneurs d’assurance. EIOPA estime qu'il est nécessaire d’évoluer vers des informations axées sur le consommateur, sur la base d'un cadre de surveillance renforcé, adapté à l'ère numérique. Le point de départ de la préparation des informations destinées aux consommateurs doit être la recherche comportementale et les tests réalisés auprès des consommateurs.
  2. Evaluer les risques et les opportunités présentés par les nouveaux outils et canaux numériques - A l'heure actuelle, le marché des outils et des plateformes numériques vendant des IBIPs est limité à des marchés nationaux spécifiques, mais EIOPA considère qu'un marché des plateformes numériques vendant des IBIPs et des assurances ouvertes peut se développer davantage à l'avenir dans le cadre et les conditions réglementaires appropriés.
  3. S'attaquer aux conflits d'intérêts dommageables dans le processus de vente - EIOPA est d'avis qu'il faut faire davantage pour lutter contre les conflits d'intérêts préjudiciables qui surviennent tout au long du cycle de vie des produits. EIOPA a exposé les avantages et les inconvénients d'un certain nombre d'options politiques différentes pour réglementer le paiement/la réception d'incitations. EIOPA considère qu'il est nécessaire d'améliorer les règles existantes en matière d'incitations, et estime qu'une combinaison de différentes options pourrait également apporter des avantages spécifiques.
  4. Promotion d'un processus de vente abordable et efficace - EIOPA est d'avis que davantage de clarté est nécessaire sur le champ d'application du test des exigences et des besoins du client et de l'évaluation de l'adéquation. La simplification du processus de fourniture de conseils, compte tenu notamment de la transformation numérique en cours dans la vente de produits financiers et de l'automatisation accrue du processus de vente, peut apporter des avantages, mais comporte des défis particuliers. La poursuite des travaux de convergence en matière de surveillance peut contribuer à garantir que les mêmes règles pour le processus de conseil sont appliquées proportionnellement sur les marchés nationaux.
  5. Evaluation de l'impact de la complexité sur le marché des produits d'investissement de détail - EIOPA estime qu'il est nécessaire de renforcer la cohérence des exigences réglementaires actuelles pour identifier les produits complexes.

 

En février 2022, dans sa réponse à la consultation d’EIOPA sur son projet d’avis technique, le BIPAR a souligné les messages clés suivants pour notre secteur :

  • un cadre réglementaire stable est essentiel - Le BIPAR est en faveur d'un cadre réglementaire stable. Des changements ne devraient être apportés que lorsque cela est nécessaire. Lorsque des changements sont apportés, l'évaluation d'impact doit pouvoir montrer que les changements effectués le sont sur base du principe de la proportionnalité et de conditions de concurrence justes. Les changements sont coûteux. Les changements réglementaires représentent en particulier un coût disproportionné pour les PME.  A cet égard, il faut tenir compte du fait que la révision globale de la DDA doit commencer en 2023-2024.
  • la transparence des coûts des IBIPs est essentielle - Le BIPAR soutient la transparence d'informations utiles et pertinentes en ce qui concerne les coûts des IBIPs.  Pour les produits d'investissement, il est important que le client comprenne l'impact que les coûts peuvent avoir sur le rendement de l'investissement. A cet égard, le BIPAR insiste sur la nécessité de conditions de concurrence justes et de la comparabilité de produits et solutions qui sont comparables. Trop de détails sur les coûts peuvent être contre-productifs ou trompeurs.
  • le choix entre différents modèles d'entreprise/de rémunération est essentiel - Le cadre réglementaire actuel garantit que les accords sur les incitations sont correctement conçus. Le cadre réglementaire actuel permet aux consommateurs de choisir entre différents modèles d'entreprise et différents systèmes de rémunération des intermédiaires, et ce sur une base transparente. Le système basé sur les commissions permet un large accès aux conseils/recommandations et les rend plus abordables, évitant ainsi le manque de conseil ("advice gap"). Le système d’honoraires peut être choisi par certains consommateurs.  De même que la prime d'assurance permet de mutualiser les risques, la rémunération basée sur les commissions permet de mutualiser les services au client, en garantissant l'assistance et le conseil à toute personne qui n'est pas en mesure de payer des honoraires. La mutualisation des services garantit un accompagnement personnalisé du client/consommateur sur toute la durée de la relation contractuelle et apporte une dimension sociale à l'ensemble des preneurs d’assurance.  La liberté des investisseurs particuliers de choisir en fonction de leurs préférences et de leurs besoins ne doit pas être restreinte. Les consommateurs souhaitant investir dans des IBIPs ne doivent pas être laissés sans autre choix que l'auto-investissement ou le recours à des robots-conseillers.
  • l'importance des conseils "humains" - Sans nier l’importance des outils numériques dans la distribution des produits IBIPs, et tout en soulignant une nouvelle fois que les intermédiaires d'assurance et financiers utilisent quotidiennement ces outils dans leurs relations avec leurs clients (notamment lors de la crise du Covid 19), le BIPAR a regretté que le document de consultation d'EIOPA ne s'attarde pas assez sur l'importance de "l'aspect humain", sur la protection qu'un intermédiaire (et non un robot), proche de ses clients, peut leur offrir lors de l'achat de produits qui engagent leur épargne.